Un samedi après-midi
Çà se passe à Paris, il y a bien longtemps, je travaille pour une association qui vient en aide aux personnes sans abri. C'est un samedi après-midi: mon jour de congé, je suis seule chez moi. Je m'ennuie. Je ne sais pas quoi faire de moi. Un ennui profond. Je n'ai envie de rien. Je décide d'aller dans un café que j'aime bien du côté de Beaubourg. Je l'aime bien car il est fréquenté par des gens excentriques, dans des tenues excentriques. Je me dis qu'il y aura plein de monde et que ce sera rigolo de les regarder. Je commande une bière. Je m'ennuie toujours. Alors je me dis que je vais aller au « café de la Poste », près de mon lieu de travail ; là je connais bien la patronne et les clients, ça me fera du bien de les voir. J'arrive là, je commande une bière et je m'ennuie à nouveau... alors je me dis que je vais aller à la station de métro « Strasbourg Saint Denis », là j'y retrouverai sans doute des gens de la rue, ils seront contents de me voir... me voilà partie.
En chemin, j'aperçois dans un coin, accroupis Maguy et Patrick : elle a sa chemise ouverte, il lui embrasse les seins. C'est un samedi après- midi, il y a un monde fou dans la rue, ils sont à la vue de tous. Cette vision me bouleverse. Je trace ma route, je rentre chez moi... Comment peut-on en arriver là ?
Peu à peu je repense à l’après-midi que je viens de vivre et je m'interroge sur ma propre quête : j'ai cherché à combler ma solitude, à la recherche de chaleur humaine, de reconnaissance.... finalement je prends conscience que je ne suis pas si différente de ces personnes de la rue.
Cet après-midi là, à été le point de départ d'un long chemin de vérité. Non, je ne suis pas une personne bonne et bien dans sa peau qui tend une main secourable à des plus pauvres que moi. J'ai mes pauvretés, mes intentions ne sont pas pures, je ne suis pas désintéressée, j'ai soif d'être reconnue, aimée, je ne suis pas libre de toute dépendance... et c'est tant mieux ! Nous sommes vraiment de la même humanité, de la même pâte, il est donc possible de fraterniser.
Dans la petite « Equipe rue » que nous formons aujourd'hui à Lille, je crois que ce qui nous caractérise c'est d'être sans illusion sur nous-mêmes. Car finalement, ce qui est insupportable, chez l'autre, c'est lorsqu'il nous renvoie ce que nous ne voulons pas voir chez nous : notre violence, nos addictions, nos blessures affectives... et les personnes de la rue nous claquent cela en pleine figure. Aller à leur rencontre « à découvert », « les mains nues », implique une relation apaisée avec soi-même, de l'humour et nous donne de nous humaniser.
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